La mue de Gabrielle en Coco Chanel

Six ans à l’abbaye d’Aubazine en Corrèze, puis six autres à Moulins ont forgé une figure emblématique de la mode : Coco Chanel.

L’enfance de Gabrielle Chasnel fut dure. Née à Saumur le 19 août 1883, la future créatrice y passe ses premières années, solitaire malgré ses 3 frères et 2 sœurs. Le drame survient le 16 février 1895 avec la mort de la mère. Les trois filles sont alors placées par le père à l’orphelinat de l’abbaye d’Aubazine, en Corrèze. C’est donc dans la rudesse cistercienne que l’adolescente se forme, de 12 à 18 ans.

Elle s’y initie aux travaux d’aiguille, laissant son regard vagabonder sur les vitraux en grisaille de la chapelle. C’est là qu’elle aurait distingué les C entrelacés de son futur logo. On dit aussi qu’elle se serait inspirée des lignes architecturales épurées ou de l’austérité des vêtements religieux…

Désertée de ses orphelines et dévolue à des moniales grecques melkites depuis 1965, l’abbaye du XIIe siècle est accessible. Outre l’église coiffée de son clocher octogonal, on parcourt les jardins et quelques salles anciennes. Un agréable bourg médiéval s’est développé autour. rien ne semble relier ce petit village corrézien et Moulins, préfecture de l’Allier, à plus de 200 kilomètres. C’est pourtant là, auprès de sa jeune tante Adrienne, qu’atterrit Gabrielle au sortir de son abbaye.

Inscrite à l’institut Notre-Dame, rue du Vert-Galant, elle se perfectionne dans la couture. Elle est ensuite placée comme couseuse dans la mercerie Grampayre, angle rue d’Allier et rue de l’Horloge, on distingue encore les lettres « LES' » de dentelles. Avide de plaire, elle se produit au Grand Café ou sur la scène de La Rotonde, un café-concert naguère situé dans le jardin de la gare.

Elle y chante notamment Qui qu’a vu Coco ? Ce qui lui vaut d’être surnommée « Coco » par les hommes du 10ème régiment de chasseurs à cheval. Clin d’œil du destin, leur caserne est aujourd’hui reconvertie en centre national du Costume de scène. C’est d’ailleurs un ancien officier qui séduit la demoiselle et l’emmène vers Compiègne, puis Paris. Loin de ces années si frugales et formatrices, elle peut désormais décorseter et modeler la femme du XXe siècle.